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Diaspora : Les membres de la « CENI France » désignés


Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2015, les Burkinabè de France se sont retrouvés dimanche 6 juillet dans la salle des fêtes de l’ambassade du Burkina à Paris pour élire leurs représentants devant siéger dans la Commission électorale nationale indépendante d’ambassade (Ceiam) et dans la commission électorale nationale de consulat (Ceic). C’est la deuxième fois qu’ils mettent en place les démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), espérant que cette fois-ci, ils pourront exercer pleinement leur citoyenneté. Lors de l’élection présidentielle de 2010, le gouvernement les avait privés de leur droit de vote en prétextant un manque de moyens financiers pour organiser le scrutin hors des frontières du Burkina.

Dimanche, la salle des fêtes était presque pleine. La faute, croit savoir un délégué du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE) d’Ile de France, « à un manque de communication qui a fait coïncider la rencontre d’aujourd’hui avec la messe annuelle des Gourounsi à laquelle participent beaucoup de nos compatriotes ». Il n’est pas interdit de penser aussi que beaucoup de Burkinabè, sceptiques quant à leur participation à la prochaine élection, aient préféré vaquer à leurs occupations. Ceux qui étaient présents ont d’ailleurs voulu être rassurés sur ce point en posant de nombreuses questions à la délégation venue de Ouagadougou, Mme Kando, vice-présidente de la Ceni, Mme Bassono membre de la Ceni et à l’ambassadeur du Burkina en France, Eric Tiaré. Ils se sont inquiétés aussi du manque d’informations sur les modalités d’organisation du scrutin, le processus d’enrôlement, l’obtention de la carte consulaire et la carte d’électeur, les lieux où se déroulera le scrutin, etc.

« Dans cette même salle, nous avons mis en place le démembrement de le Ceni en 2009, et au final, on n’a rien vu. Est-ce que vous pouvez nous rassurer que cette fois-ci, ce sera bon », demande un participant. « Que fait-on quand on est déjà inscrit au Burkina et qu’on vit en France ? », interroge un autre. « Est-ce que l’organisation du référendum est décidée ou pas et quand l’opération d’enrôlement va-t-elle commencer en France ? », renchérit une dame. « Est-ce possible de voter par procuration et que se passera t-il si au cours de l’enrôlement, le matériel tombe en panne comme c’est arrivé à Réo ? », s’inquiète un militant d’un parti d’opposition.

Les représentants des partis politiques en France tiennent leur légitimité de la direction nationale de leur parti. Mais quid de la société civile ? Les questions fusent. L’ambassadeur Tiaré suggère de « laisser répondre à cette première vague, quitte à ouvrir une seconde liste ». La vice-présidente de la Ceni qui était absorbée par la prise de notes, pose son stylo, se rajuste sur son siège, racle sa voix et commence à répondre à chacune des questions. Manifestement, elle connait bien son dossier et ne manque pas de rhétorique.

Réponse à ceux qui sont déjà inscrits au Burkina et qui vivent en France : « Il n’est pas possible de s’inscrire sur deux listes. Celui qui est inscrit au Burkina doit voter au Burkina mais on ne peut pas s’inscrire en France et aller voter au Burkina et vice versa. Il faut donc choisir. Il est toutefois possible 15 avant le scrutin, de s’inscrire au Burkina si on vient de l’étranger, la CENI ayant le temps de supprimer l’inscription double et de fournir la carte d’électeur au demander ». Sur la participation effective des Burkinabè de l’étranger au prochain scrutin, elle se veut prudente : « La CENI espère que cette fois-ci, ça va marcher ; les choses avancent dans le bon sens, mais au final, seul Dieu sait ce qui va se passer ». Un optimisme tempéré qui a suscité des murmures dans la salle. Quant aux documents requis pour pouvoir voter, « la loi dit que c’est avec la carte consulaire et rien d’autre. Mais sur ce point, je pense qu’il faut trouver une solution pour coller aux réalités internationales ». Même chose pour les démembrements. « La loi dit que c’est dans les ambassades et consulats généraux que le scrutin doit être organisé. Mais là aussi, il faut voir ce qui est plus efficace que ce que disent les textes. Car, à quoi bon organiser un scrutin dans un consulat où il n’y a pas de Burkinabè au lieu de le faire là où ils sont nombreux surtout que la loi le permet ». En revanche, il n’y aucun arrangement possible pour le vote par procuration. Répondant à une question relative à la tenue ou pas du référendum visant à lever la clause limitant le nombre de mandats présidentiels, Mme Kando a été claire : « Pour l’instant, il n’en est rien. Nous nous organisons dans la perspective de la présidentielle de 2015 et c’est pour la participation des Burkinabè de l’étranger à ce scrutin que nous sommes là. La CENI n’a pas pour l’instant été saisie pour organiser un référendum ; le jour où on nous le demandera, nous dirons ce qu’il nous faut pour le faire. Mais, pour l’instant, nous ne parlons que de l’élection présidentielle de 2015. Nous ne participons pas aux débats pour savoir si le référendum est fondé ou pas ; ça ne fait même pas partie de notre programme ».

Comment acquérir la carte consulaire biométrique, un document qui sera nécessaire pour avoir la carte d’électeur ? Le Consul général de Paris, Ousmane Nacambo est appelé à la rescousse. « Pour l’instant, la délivrance des cartes consulaires est suspendue et un opérateur privé sera désigné pour établir les cartes consulaires biométriques, qui serviront à faire les cartes électorales biométriques. Bien entendu, les anciennes cartes qui ne sont pas périmées restent valables pour voter. Un décret a été pris sur les nouvelles cartes consulaires, mais je ne l’ai pas encore reçu officiellement ; j’ignore donc son contenu », a t-il expliqué.

Dans une interview qu’il nous avait accordée en mars dernier, il avait justifié la suspension de la délivrance des cartes consulaires. « Quand nous avons commencé à fonctionner au mois d’août [2013], nos machines sont tombées en panne et nous étions obligés de sauver les données en attendant de trouver une solution. Finalement, nous n’avons pas jugé utile d’acquérir de nouvelles machines pour deux raisons : d’abord, le conseil des ministres a adopté un texte portant conditions de délivrance de la carte consulaire ; il y aura donc des changements. Ensuite, les cartes électorales seront faites à partir de la carte consulaire et le ministère a annoncé que la confection de la carte consulaire sera confiée à des opérateurs privés extérieurs. Abidjan a déjà son opérateur, et en Europe, il y en aura aussi. A partir de là, pourquoi acquérir une machine à 10 millions ? Résultat, à l’heure actuelle, il est impossible d’établir une carte consulaire, mais il n’y a pas beaucoup d’incidence puisqu’on peut produire une attestation disant que l’individu a bien introduit une demande de carte consulaire ». Il faut donc encore patienter en attendant que le gouvernement ne désigne l’opérateur privé et c’est cette attente qui est source d’inquiétude pour plus d’un Burkinabè de France.

Répondant au déficit de communication sur la rencontre que certains ont déploré, Mme Kando, quelque peu agacée a tancé les représentants des partis politiques. « C’est auprès de vos responsables politiques à Ouaga que vous devez vous plaindre parce qu’ils savaient bien que la CENI viendrait en France et c’est à eux d’informer leurs représentants pour qu’ils soient là. Il ne faut pas vouloir nous faire jouer le rôle qui n’est pas le nôtre ».

Mise en place de la ceiam et Ceic

Une seconde liste de question est ouverte pour compléments d’informations. Le temps passe et il faut passer à la deuxième phase de la rencontre, la mise en place de la Ceiam et la Ceic.

Mme Bassono lit le manuel de procédure pour la mise en place des démembrements. On y apprend que la Ceiam et la Ceic sont composées de quatre membres : un représentant de la majorité, un de l’opposition, une personnalité désignée par les organisations de la société civile et le trésorier de l’ambassade pour la Ceiam et le percepteur du consulat général pour la Ceic. Le manuel insiste surtout sur la qualité des membres des deux commissions électorales. « Ces personnalités doivent être de bonne moralité, jouir de leurs droits civiques, résider dans la juridiction de l’ambassade ou du consulat et être disponibles. Il est souhaitable que les membres des démembrements sachent lire et écrire convenablement le français, et qu’ils soient de bonne santé physique et morale ». Enfin, les deux commissions disposeront d’un budget de fonctionnement de 657 000 F CFA (1003 euros), et les membres bénéficieront de 25000 F CFA (38 euros) pour les indemnités de session et 10 000 F CFA (15 euros) pour les indemnités lors des opérations d’enrôlement.

A 17 h 20 mn, on suspend la séance pour laisser place à la désignation du représentant de chaque composante. La société civile reste dans la salle des fêtes, l’opposition rejoint le rez-de-chaussée et la majorité s’installe au 7è étage.

Signe des temps, en 2009, il manquait de places pour contenir le monde dans la salle du 7e étage. Cette année, à peine une dizaine de personnes y avaient pris place, CDP et ADF/RDA compris. Perte de vitesse du CDP France ou stratégie mise en place pour avoir des représentants au titre de la société civile ?

L’opposition et la majorité présidentielle n’ont pas eu du mal à désigner leurs représentants, une affaire qu’ils ont réglée en l’espace de vingt minutes. En revanche, pour la société civile, ça été plus long et laborieux. Au total, seize représentants d’associations ont pris part au vote. Certaines sont bien connues de la communauté pour leur dynamisme, d’autres le sont moins.

A 18h39, la séance reprend. L’ambassadeur Tiaré lit les procès verbaux dressés par chaque composante et annonce le nom de la personne désignée pour siéger à la Ceiam et à la Ceic. A l’appel de leur nom, chacun se lève, excepté Mme Bernadette Nabaloum, absente, mais désignée par la majorité pour siéger à la Ceic.

« Avez-vous obtenue son accord avant de la désigner ? », demande la vice-présidente de la Ceni. Oui, répond le secrétaire général du CDP section France, Joël Compaoré.

Avant de lever la séance, Mme Kando prend la parole, remercie ceux qui ont répondu présents à leur invitation et insiste sur l’importance de ce qui vient de se passer. « Les Burkinabè de l’étranger doivent être les alliés de la CENI, nous devons tout faire ensemble pour que le vote ait lieu à l’étranger, et je vous remercie d’avoir mis en place les démembrements de la CENI. Vous savez qu’il y a des gens qui sont contre le vote des Burkinabè de l’étranger, et si les difficultés que vous avez soulevées nous avaient empêchés d’installer les démembrements de la CENI, le gouvernement pouvait prendre ça comme prétexte et repousser votre participation à la prochaine présidentielle », puis elle enchaîne sur les devoirs qui incombe désormais aux membres de la Ceiam et de la Ceic. « A partir de maintenant, vous devez vous abstenir d’afficher votre appartenance politique de sorte à garder la confiance de tout le monde. Les partis politiques auxquels vous appartenez ne peuvent plus compter sur vous pour battre campagne. J’insiste, il ne faut pas seulement dire qu’on est intègre, on doit être perçu comme intègre ». Une mise au point qui a quelque peu déconcerté certains. « Vous auriez pu nous dire ça avant ; imaginez que le premier responsable d’un parti ici en France se soit présenté et ait été élu… », interpelle le responsable d’un parti d’opposition. Séance tenante, on demande si quelqu’un est dans cette situation, « parce qu’il peut encore démissionner », réplique la vice-présidente de la CENI pour qui « il est évident qu’on ne peut pas être d’un parti et être neutre ». Personne n’ayant souhaité démissionner, l’ambassadeur Tiaré a mis fin à la rencontre aux environs de 19 h.

La délégation venue de Ouagadougou devait rester encore à Paris le temps d’assurer une formation des membres de la Ceiam et de la Ceic avant de poursuivre son périple en Belgique et en Italie.

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)

Composition de la Ceiam
Majorité : Rasmané Sawadogo (CDP)
Opposition : Etienne Nabi (UPC)
Société civile : Mme Ramata Héma (Association des femmes du Burkina)
Trésorier ambassade : Patrice Gassané

Composition de la Ceic
Majorité : Mme Bernadette Nabaloum (CDP)
Opposition : Maurice Kaboré (MPP)
Société civile : Drissa Sow (Association Zood-Yinga)
Percepteur consulat général : Soulamane Zombra.

J VOKOUMA
Lefaso.net (France)