Etablissement de cartes consulaires en Côte d’Ivoire : Des manifestants posent des préalables

A peine annoncée, l’opération d’établissement de cartes consulaires suscite des réactions. Ces réactions ne sont pas véritablement hostiles, mais posent des préoccupations préalables. C’est le constat que nous avons fait au Consulat général du Burkina Faso en Côte-d’Ivoire le 3 novembre 2013, à l’occasion du lancement officiel de ladite opération.
Il était presque 9 h, ce 3 novembre, lorsque nous arrivions au Consulat général du Faso En Côte d’Ivoire. De l’intérieur, un inconnu nous souffle à l’oreille : « il y a des manifestants dehors ». Aussitôt sorti, nous entendions d’un haut-parleur ceci : « les 7 000 F, on ne paie pas ». Et c’est à environ 60 mètres de l’entrée du consulat, que ce message est lancé par un groupe de manifestants faisant face à une sorte de cordon de sécurité dressé par la Police. Son auteur, « Moumouni Pograwa, le leader des jeunes burkinabè en Côte-d’Ivoire ». C’est, du moins, en ces termes que le détenteur du haut-parleur s’est présenté. Un autre du groupe tient une pancarte sur laquelle on pouvait lire « carte consulaire à 7 000 F, vaste escroquerie gouvernementale institutionnelle et internationale ».
Moumouni Pograwa dit être le porte-voix de la majorité des Burkinabè de Côte-d’Ivoire qui ne sont pas d’accord avec le prix de revient et la durée de validité de la carte consulaire. Ce qui est, en outre, aux yeux de M. Pograwa inacceptable, c’est l’opérateur chargé d’établir les cartes consulaires. Aussi met-il les autorités diplomatiques en garde contre la politisation de l’opération.
Le groupe Snedai, un choix qui n’est pas du goût des manifestants
Pour l’établissement des cartes consulaires biométriques, c’est le groupe Snedai de Côte-d’Ivoire (Société nationale d’édition de documents administratifs et d’identification) qui a été retenu. Son Président directeur général (PDG), Adama Bictogo, le présente comme étant un groupe panafricain né en réponse au souci de nos Etats à opérationnaliser la coopération sud-sud, et qui dispose de sept filiales. Il dit voir dans son choix pour l’établissement des cartes consulaires, « l’expression des relations ivoiro-burkinabè ». Et pour la conduite de cette opération, il a acquis quatre véhicules 4-4 tous terrains et 204 grosses motos, comme moyens roulants.
Mais Moumouni Pograwa et ses compagnons disent douter de son intégrité et de son honnêteté. En effet, précisent-t-ils, « pour nous, ce monsieur n’est pas un exemple d’honnêteté et d’intégrité ». Et M. Pograwa d’ajouter, « la procédure de passation de marché publique n’a pas été respectée, parce que cet opérateur a été choisi en Conseil des ministres ». « Il faut que l’Etat nous donne des explications », a-t-il martelé.
Et après avoir rappelé que dans le cadre des dernières élections en date au pays des hommes intègres, l’ONI (ndlr : Office national d’identification) et la CENI (ndlr : Commission électorale nationale indépendante) « ont été dotés en matériels de dernière technologie pour confectionner les cartes d’électeur au Burkina Faso », M. Pograwa s’interroge : « Pourquoi ces mêmes opérateurs n’ont pas été mis à contribution pour nous faire des cartes consulaires ici en Côte-d’Ivoire ? ». Et de marteler, « nous se sommes pas d’accord avec le choix de l’opérateur ».
« Nous ne sommes pas un bétail financier ici en Côte-d’Ivoire »
Les frais d’établissement de la carte consulaire biométrique sont arrêtés à 7 000 FCFA, que devra payer le demandeur. Ce coût, précise le ministre d’Etat Djibrill Bassolé, « est arrêté par un décret portant définition des critères d’établissement des cartes consulaires ; c’est le même coût partout ». Et ladite carte a une durée de validité de trois ans.
Or, précise Moumouni Pograwa, c’est avec 3 500 FCFA que l’ancienne carte consulaire dont la durée de validité était de cinq ans, s’obtenait.
Ce nouveau coût est, de son avis, insupportable, car « la vie ici en Côte-d’Ivoire est dure ». Il confie voir en ce coût, « de l’escroquerie » dont les Burkinabè de Côte-d’Ivoire ne voudront pas être victimes. En effet, martèle Moumouni Pograwa, « nous ne sommes pas un bétail financier ici en Côte-d’Ivoire ». Et son frangin Dramane Yaméogo de préciser, « carte consulaire à 7 000 F ici en Côte-d’Ivoire, on n’est pas d’accord ».
De son côté, Jacques Dabiré estime que « si c’était 5 000 F, comme c’est trois ans, ça peut aller ». En attendant, il dit mettre son espoir dans la négociation. Moustapha Rouamba, un autre compatriote, lui, après avoir rappelé la sortie récente d’une crise, confie vouloir « demander aux autorités de voir s’ils pouvaient diminuer un peu ». Il en appelle au sens de discussions franches pour « trouver un terrain d’entente ».
Il y a donc un décalage en termes de coût et de durée de validité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce décalage préoccupe apparemment, la majorité de nos compatriotes vivant en Côte-d’Ivoire qui, en réalité, ne s’opposent pas à l’opération de délivrance des cartes consulaires biométriques.
Le gouvernement burkinabè, prêt à discuter avec toutes les structures
La modernisation de la carte consulaire, s’inscrit, à en croire le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la coopération régionale, Djibrill Bassolé, dans le souci de « prouver dans tous les compartiments, en particulier dans l’identification et la gestion de nos compatriotes qui vivent à l’étranger » que le Burkina Faso « aujourd’hui a une image extrêmement positive à travers le monde ».

Mais au Consulat général du Burkina Faso en Côte-d’Ivoire qui a servi de cadre au lancement de l’opération relative à cette modernisation, des préalables ont été posés par les populations bénéficiaires. Et comme l’indique le ministre d’Etat, « le coût de la carte, fixé à 7 000 F, avait pu susciter çà et là, quelques divergences ». En effet, les Burkinabè vivant en Côte-d’Ivoire ont émis le vœux de voir réduits les frais d’établissement de la carte consulaires. Dans ce sens, le chef de la diplomatie burkinabè a tenu, dans son adresse à l’endroit de nos compatriotes, à les rassurer que « le gouvernement du Burkina Faso est de toute façon, ouvert à tout échange, à tout dialogue qui pourra permettre de délivrer ces cartes dans les meilleures conditions possibles, en tenant compte du pouvoir d’achat réel des populations ». S’en est suivi un tonnerre d’applaudissement.
Mieux, promesse ferme leur a été faite que « l’ensemble des dispositions qui s’imposent » et à même de « faciliter la tâche, pour que l’accès à la carte soit aisée » et à leur « portée ». Car en effet, et à en croire le ministre d’Etat Bassolé, le souci du gouvernement est de « faire en sorte que tous les burkinabè de l’extérieur soient identifiés ».
« Si la question du coût est un obstacle, nous sommes prêts à dialoguer avec toutes les structures », a préconisé le ministre d’Etat pour qui, il n’est pas exclu qu’il y ait « des réflexions pour voir comment on peut subventionner telle ou telle partie du projet, afin que le coût de revient baisse pour les populations les moins nantis ».
Quant à la durée de validité de la carte, elle a été fixée à trois ans pour, selon Djilbrill Bassolé, « tenir compte de la mobilité des personnes ». Et d’expliquer qu’en trois ans, « beaucoup de choses peuvent changer ; trois ans apparaissaient comme une période raisonnable pour gérer le flux de ces migrations ». Mais, rassure-t-il, « ce sont de choses qui peuvent être discutées ».
L’important, selon l’Ambassadeur du Burkina Faso en Côte-d’Ivoire, Justin Koutaba, « c’est de prendre en compte ces préoccupations et de voir dans l’avenir, comment on peut faire des améliorations techniques et financières, de façon à ce que tout le monde puisse bénéficier de cette nouvelle carte ». Et le « plus important », précise le ministre d’Etat Bassolé, « c’est d’attirer et de fixer le maximum de burkinabè à ce nouveau projet d’identification ; le coût, la durée de validité, ne sauraient être des obstacles pour l’Etat ».
A la fin de la cérémonie de lancement de l’opération, le négociateur attitré, Djibrill Bassolé, a reçu en audience la délégation des manifestants. Mais rien n’a filtré de leurs échanges.
Fulbert Paré
Lefaso.net