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Visite du premier ministre français au Burkina : Le volet sécurité n’a pas étouffé les questions de développement
 
Après une première annonce avortée, c’est finalement ce samedi 20 février 2016, que le premier ministre français, Manuel Valls, accompagné d’une forte délégation dont le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a foulé le sol burkinabè. Si cette visite, qui intervient un mois après les attaques terroristes en territoire burkinabè, s’inscrit dans un élan de solidarité et de compassion, elle n’en demeure pas moins celle d’un renforcement des liens entre les deux pays à travers des questions de développement.

Comme annoncé, il était effectivement 9h, lorsque l’avion de la délégation du Chef du gouvernement français a atterri à l’aéroport international de Ouagadougou, bien encadré par un dispositif sécuritaire colossal. Accueilli par son homologue, Paul KabaThiéba, les deux personnalités vont par la suite avoir un bref tête-à-tête au salon d’honneur avant de prendre la direction de la Présidence du Faso, Kosyam. Là, Manuel Valls est reçu par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Il y a eu ensuite une séance de travail avec le gouvernement burkinabè à l’issue de laquelle un accord de neuf millions d’euros a été signé pour soutenir le secteur de l’éducation.
Après un quart d’heure d’entretien avec la presse, la délégation française a quitté Kosyam pour la résidence française où elle s’est entretenue avec ses ressortissants vivant au Burkina.

L’ultime acte de cette visite a été le passage de la délégation sur le site de l’attaque terroriste du 15 janvier dernier. Là, la délégation a déposé une gerbe de fleurs et observé une minute de silence en la mémoire des victimes, toutes nationalités confondues.

« J’ai voulu souligner auprès du président, notre satisfaction d’être là. Nous avons des liens d’amitié, économiques, politiques, depuis longtemps avec le Burkina Faso. Nous avons souligné combien l’élection du Burkina Faso a été un exemple pour l’Afrique de l’Ouest et pour l’Afrique ; c’est-à-dire une élection préparée par une transition démocratique et par des élections libres, qui n’ont pas donné lieu à contestations. L’élection du Président Kaboré est incontestable, elle a permis l’installation aussi d’une Assemblée nationale élue dont la première session va avoir lieu dans quelques jours. (…).Ce déplacement est pour moi, l’occasion d’adresser, une nouvelle fois, mes condoléances et ma passion aux familles des victimes des attentats. Le Burkina Faso, comme le Mali où nous étions encore hier, comme la France, sont victimes du terrorisme. Le terrorisme s’attaque lâchement aux démocraties. Nous partageons les mêmes valeurs et c’est pour cela que nous devons renforcer notre coopération en matière de renseignements, de formation, des forces de sécurité, des forces armées », a situé le premier ministre français, Manuel Valls à sa sortie d’échanges avec les plus hautes autorités du Burkina. Pour en quelque sorte saluer le retour des institutions démocratiques, il a annoncé, au passage, l’arrivée au Burkina du président du groupe d’amitié France-Burkina à l’ouverture à la session parlementaire.

La France aux côtés des autorités pour relever les défis majeurs du Burkina

Le Chef du gouvernement français a, après avoir ‘’identifié’’ les défis qui se présentent aux nouvelles autorités burkinabè, réitéré le « lien actif » de son pays avec le Burkina dans plusieurs domaines socio-économiques. « Les défis du Burkina sont majeurs, il y a bien sûr le développement économique. Beaucoup de retard a été pris ces derniers temps et donc, il faut reprendre cette priorité qui est celle de mon homologue ; le développement économique, l’agriculture, l’éducation, la santé, l’eau, l’assainissement. C’est toutes ces questions qui attendent le gouvernement de ce pays. Avec, malheureusement, un préalable : la sécurité », a scruté M. Valls. Pour lui, les volets sécurité et coopération, doivent être renforcés dans les cadres du G5 Sahel, de l’engagement de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) avec le soutien de l’Union européenne. « C’est un préalable pour conforter la démocratie et pour permettre le développement humain, économique et social. C’est le sujet que nous avons évoqué avec le président et avec son gouvernement. Sur ce préalable, la France sera évidemment aux côtés du Burkina Faso pour soutenir ses efforts dans ce domaine comme dans bien d’autres », a-t-il annoncé.



S’appuyant sur les priorités des autorités burkinabè, le premier ministre Manuel Valls a réitéré le soutien de la France au Burkina ; un soutien qui s’incarne d’ores et déjà par la signature de l’accord susmentionné. Cet engagement sera suivi par bien d’autres dans d’autres domaines, a promis Manuel Valls. Pour lui, il est important de lutter contre la pauvreté ; pas parce qu’il y a le terrorisme, mais parce que c’est la réalité du pays et le développement économique permet le développement humain. « Les groupes terroristes agissent en utilisant les conséquences de la pauvreté d’une jeunesse qui peut succomber à la radicalisation. Nous connaissons ça en Afrique de l’Ouest, en Europe. Je veux le rappeler, c’est la France qui connaît, malheureusement, un nombre croissant de jeunes ou d’individus qui vont combattre dans les filières djihadistes, d’islamistes radicales en Syrie ou en Irak ; ce n’est pas le Burkina Faso qui envoie ces jeunes là-bas. Mais, les groupes terroristes veulent s’attaquer au Burkina Faso plus précisément parce que, c’est une réussite en matière de transition. On s’attaque toujours à ces symboles. On s’est attaqué au Mali, parce que c’est une démocratie. On s’attaque au Burkina Faso, parce que c’est une démocratie. On s’attaque à la Tunisie, parce que c’est une démocratie. Il faut bien comprendre les causes et la réponse à la lutte contre la pauvreté est une des réponses. Mais, ça ne peut pas être la seule réponse. Une autre réponse doit être celle de la coopération dans le domaine de la sécurité ; il faut être fort sur l’ensemble de ces objectifs », a analysé Manuel Valls.

« L’Europe doit donc s’intéresser à l’Afrique plus qu’elle ne le fait jusque maintenant »

Selon le Premier ministre français, les pays du Sahel représentent aujourd’hui autour de 80 millions d’habitants ; ils compteront dans les 20 à 30 ans à venir, 150 millions d’habitants. Ce qui implique de nombreux défis. ‘’L’Europe doit donc s’intéresser à l’Afrique plus qu’elle ne le fait jusque maintenant. (…). Moi, je me félicite que sous la présidence de François Hollande, la France soit pleinement revenue en Afrique. Souvent, à travers des événements douloureux, comme au Mali il y a trois ans, mais aussi parce que nous sommes conscients que c’est ici que se joue, en effet, l’avenir de la France et de l’Europe. L’Afrique, c’est le continent de l’avenir ; par ses matières premières évidemment mais d’abord, par l’engagement, l’enthousiasme (malgré les difficultés) de ses populations, de sa jeunesse. Nous sommes lucides et nous n’ignorons rien des difficultés. Il y a un potentiel de développement dans tous les domaines (aux plans de l’éducation, de la révolution numérique, de la culture, etc.). C’est ici que se joue l’avenir de la France et de l’Europe, si nous voulons maitriser le flux migratoire ‘’, a expliqué le premier ministre français.
A l’en croire, l’intérêt de son pays, c’est le développement économique, culturel, éducatif ; du capital humain avec en sus, la bonne gestion des finances publiques.

Le premier ministre a quitté le Burkina en début d’après-midi pour la France et après avoir entamé sa sortie par le Mali où il était jeudi et vendredi.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net