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Téléphonie au Burkina : Langage de vérité entre consommateurs, opérateurs et ministère de tutelle

Les questions de pylônes des opérateurs de téléphonie mobile ont suscité de multiples plaintes des populations ces derniers temps. Et le gouvernement veut agir vite et bien pour trouver une solution à la question. C’est pourquoi, le ministère du développement de l’économie numérique et des postes a organisé, ce 26 mars 2015, dans ses locaux, une rencontre d’échanges entre les différents acteurs. Plaignants, ligue des consommateurs, associations de consommateurs, services de communications électroniques, opérateurs de téléphonie, cadres du ministère… tous étaient présents. Les uns et les autres ne sont pas allés du dos de la cuillère.

La rencontre a duré environ une heure. Mais, les différentes préoccupations ont été toutes abordées, comme prévu. En présence de nombreux journalistes.
Le ministre du développement numérique et des postes, Amadou Nébila Yaro campe le décor : « Nous souhaitons que les plaignants disent exactement ce qu’elles reprochent aux opérateurs, puis, nous écouterons les réponses des opérateurs, enfin, nous ferons une synthèse et des propositions pour résoudre définitivement ces problèmes ».
Puis, il distribue la parole aux différentes parties prenantes. Premiers à prendre la parole : les plaignants. « Un matin, on voit des gens qui montent sur nos toits, et ils disent qu’ils sont venus pour implanter une antenne pour Airtel. On ne peut pas comprendre que des gens viennent violer notre intimité sans qu’on ne soit informé et nous dire que c’est pour notre bien », lance d’entrée Isidore Compaoré, représentant les populations de Tanghin.
Guézouma Sanou, habite le quartier Pissy. Là aussi, un pylône a été installé au cœur des habitations. « Un matin, nous nous sommes réveillés et nous avons trouvé de l’eau qui coulait dans la rue. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’une fuite d’eau de l’ONEA. J’ai personnellement téléphoné à l’ONEA pour dire qu’il y a une fuite d’eau dans notre quartier. Deux jours après, l’eau continuait de couler. J’ai voulu comprendre et je me suis rendu compte que c’est d’une cour voisine que l’eau coulait et le mur avait été percé et avec une motopompe. On aspirait de l’eau d’un trou qu’on était en train de creuser. On m’a dit que c’est un pylône Airtel qu’on veut installer. J’ai alerté mes voisins et nous avons introduit un recours en justice. Dans ce recours, il a été demandé à Airtel d’arrêter les travaux jusqu’à l’aboutissement de la procédure. Mais Airtel a continué les travaux », explique-t-il.

« Le développement oui, mais pas au prix de nos vies »

Et, les témoignages se succèdent. Les uns plus poignants que les autres. Mais, au nombre des griefs formulés à l’encontre des opérateurs de téléphonie, on retiendra entre autres : des troubles de sommeil, la crainte de se voir foudroyer par les tonnerres, les craintes de maladies provoqués par ces pylônes notamment des cancers, les risques de chute d’antennes sur des domiciles et des écoles, la violation de la vie privée des riverains, le mépris populations, l’arrogance des opérateurs, les installations de pylônes en pleine zone d’habitation, l’impact sur l’environnement des riverains… « On veut le développement, mais pas au prix de nos vies », lance un participant.
Puis, c’est au tour de la ligue des consommateurs d’appuyer les propos des plaignants. Elle regrette surtout le non-respect du droit à l’information des populations. Et, l’Association burkinabè des consommateurs des services de communication électroniques (ABCE) d’enfoncer le clou. Ces associations invitent les opérateurs de téléphonie à revoir leur stratégie de communication avec populations.

Un vrai déficit de communication

Enfin, les accusés ont droit à la parole. Le directeur général de l’ONATEL est le premier à se lancer. Après avoir apprécié l’initiative du ministère de tutelle, il apporte quelques éléments de réponse aux préoccupations des consommateurs. « Les antennes GSM sont sûres. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucune étude qui ait soutenu que les ondes magnétiques dégagées par les pylônes sont dangereux. Jusque-là, la nocivité des pylônes n’est pas démontrée par des scientifiques », soutient Sidi Mohamed Naïmi. Les représentants des autres opérateurs embouchent la même trompette.



Mais, tous reconnaissent le déficit de communication avec les populations. Sur les nuisances sonores, le représentant de Telecel Faso semble botter en touche. Il estime que les groupes électrogènes ne sont utilisés qu’en cas de coupure d’électricité de la SONABEL. Et, d’ailleurs, ils sont insonorisés, déclare-t-il. Avant d’ajouter : « Nous n’avons aucune raison de ne pas respecter les consommateurs puisque c’est eux qui nous font vivre », répondant à la question sur l’arrogance des opérateurs.

Enfin, la parole est donnée au représentant de Airtel Burkina, société la plus indexée au cours de cette rencontre. Daouda Sanou, directeur de la régulation et des affaires juridiques, reconnait comme ses prédécesseurs qu’il y a un véritable déficit de communication. D’ailleurs, il prend l’engagement de corriger cette insuffisance. « Les pylônes GSM n’ont aucun impact sur la santé des riverains jusqu’à preuve du contraire », soutient-il. Sur la crainte du tonnerre, il estime même que la proximité des pylônes est source de protection des populations. Le risque de chute de pylônes ne semble pas non plus envisagé par Sanou et ses camarades opérateurs.
Malgré ces assurances, les consommateurs ne semblent pas convaincus et ils l’ont dit. Notamment sur les risques sur la santé, les chutes de pylônes, mais aussi et surtout, sur l’arrogance des opérateurs. Qu’à cela ne tienne, ils reconnaissent qu’opérateurs et consommateurs ne sont pas des adversaires.

Vers un cadre de concertation permanent

La question de Tanghin semble la plus pressante et la plus compliquée. « Les jeunes veulent démolir l’antenne, nous arrivons à les contenir mais, nous ne savons pas jusqu’à quand. On veut que Airtel se déplace pour discuter avec la population », insiste Isidore Compaoré. « Airtel, ce n’est pas compliqué, ils ont souhaité que vous vous déplaciez. Déplacez-vous pour aller expliquer, je pense que ça peut permettre de gérer cette affaire. Faites-le dans les meilleurs délais », martèle le ministre Yaro. Promesse est faite par l’opérateur de s’y conformer.
Dans sa synthèse, le ministre du développement de l’économie numérique a fait quelques propositions. Il s’agit de la mise en place d’un cadre de concertations entre les différents acteurs, la mutualisation des infrastructures par les opérateurs et le renforcement de l’insonorisation des groupes électrogènes utilisés.
En tous les cas, le ministère du développement de l’économie numérique assure que le gouvernement jouera pleinement son rôle. Même s’il faut changer la législation, elle sera changée. Il se dit il se dit prêt à porter la question. En attendant l’effectivité du cadre de concertation salué par tous, le ministre Yaro appelle les uns et aux autres à la retenue.

Moussa Diallo
Lefaso.net