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Exploitation minière : « L’or du Burkina est-il bien géré » ?

L’or est désormais le premier produit d’exportation du Burkina, supplantant ainsi le coton qui était qualifié jusque-là d’or blanc. En termes d’impôts et de taxes douanières, l’exploitation minière a permis au gouvernement d’engranger 198 milliards de francs CFA en 2013. Des chiffres encourageants, mais qui cachent mal les effets pervers sur le plan social et environnemental.

8 milliards en 2008, 109 milliards en 2011 et 198 milliards en 2013 ; ce sont là les sommes payées par les sociétés minières à l’Etat burkinabè en termes d’impôts et de taxes. Les dons et contributions volontaires des sociétés minières en termes d’appui aux collectivités locales des zones minières sont estimés à environ 785 millions francs CFA en 2011.

Si l’on s’en tient aux quantités d’or exploité, les chiffres indiquent que nous sommes passés de 0,7 tonne d’or en 2007 à 32 tonnes en 2011. Mais, est-ce suffisant pour dire que l’or du Burkina est bien géré ?

Pas du tout, à en croire Lassina Coulibaly, un ancien mineur de Poura. Il est actuellement le président de la commission environnement et développement local de la commune de Banfora. « L’or du Burkina n’est pas bien géré. Pas du tout. On prend les grandes industries avec des programmes bien faits, mais en réalité, c’est l’orpaillage traditionnel qui nous cause de sérieux problèmes. Dans la zone de Banfora, on ne sait même pas le nombre de sites d’orpaillage. Il y en a tellement. Et, il y en a même qui sont de gros calibres qui viennent avec des autorisations, on ne sait pas d’où, et ils commencent à exploiter sans venir voir les responsables locaux. Actuellement, dans nos villages, toutes les terres sont perforées, les arbres coupés, l’environnement détruit. Et quand on entend qu’il y a un grain d’or quelque part, tout le monde fuit vers là-bas. On part détruire et on repart vers un autre coin encore. Si on est là qu’on veut l’or et on est en train de détruire l’avenir de nos enfants, ça ne va pas. On vivait sans or avant. Maintenant qu’il y a l’or, il faut bien organiser. Sinon actuellement, je pense que notre or est très très mal géré », estime cet ancien mineur.

Entre le populisme et ce que dit la législation actuelle

Par contre au ministère des mines et de l’énergie, le ton est tout autre. « Le ministère délivre des permis de recherche, des permis d’exploitation industrielle, des autorisations sont délivrées et jusqu’à ce jour, on n’a pas de conflits lié à la délivrance de titres miniers. Donc, on peut dire que l’or du Burkina est bien géré sur ce plan », soutient Soumaïla Ouattara, juriste à la direction des affaires juridiques et de la prospective, relevant de la direction générale des mines et de la géologie.

Par ailleurs, il demande aux uns et aux autres de bien s‘informer sur l’activité minière, les différentes étapes, les différents instruments qui encadrent cette activité pour comprendre effectivement qu’il faut faire la part des choses entre le populisme et ce que la législation actuelle nous permet de faire avec notre or. « Si nous nous en tenons à ce que notre législation dispose actuellement, il n’y a pas de problème. Ce qui est prévu nous revient effectivement. Donc, l’or du Burkina est bien géré », assure-t-il.

Néanmoins, Soumaïla Ouattara reconnait qu’il y a des insuffisances et des défis à relever. « Le ministère des mines et de l’énergie en est conscient et des mesures sont prises à travers la politique sectorielle des mines adoptée en septembre 2013 à travers le code minier en relecture pour effectivement corriger ces insuffisances », rassure-t-il. L’application de cette politique sectorielle devrait permettre de relever les recettes fiscales au profit de l’Etat et des collectivités locales, de tenir compte des intérêts des communautés locales à travers la création d’un fonds minier de développement local, d’un fonds de préservation et de réhabilitation de l’environnement, d’un fonds de sécurisation des sites miniers. « Tout cela pour que le secteur minier puisse effectivement profiter au maximum au Burkina Faso et à sa population ».

Environ 600 sites d’orpaillage clandestins

Aujourd’hui, le Burkina compte 200 unités d’exploitation artisanale officiellement reconnues. Les détenteurs de ces titres miniers sont assujettis à un cahier de charges qu’ils sont tenus de respecter au plan environnemental, social et économique. Aux côtés de ceux-ci, on dénombre 27 unités d’exploitation semi-mécanisées. Et, l’ensemble de ces unités ont déclaré seulement 500 kg d’or au titre de l’année 2013. Un chiffre largement en deçà de nos potentialités. C’est dire que l’or extrait par voie artisanale sort frauduleusement du Burkina. Certaines sources estiment à plus de 20 tonnes d’or exploitées par an de manière artisanale. Les pertes sont donc énormes pour l’économie nationale.

Pire, certains individus s’adonnent à cette activité sans aucune autorisation. On estime aujourd’hui qu’il y a environ 600 sites clandestins sur l’étendue du territoire national.

A ce manque à gagner pour le trésor public, s’ajoutent les problèmes sociaux liés à l’exploitation artisanale de l’or. Il s’agit de : la présence d’enfants sur les sites miniers, les déperditions scolaires, les atteintes aux bonnes mœurs de la société, la dégradation de l’environnement liée à cette forme d’exploitation...

Travailler à encadrer l’orpaillage

Le ministère des mines et des carrières dit travailler à encadrer au maximum cette activité. Et, la première mesure a été la création d’une direction des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées. Aussi, la réflexion est en cours afin de faire en sorte que l’activité d’exploitation artisanale n’empêche plus un élève d’aller en classe, mais à son parent qui veut s’adonner à cette activité de le faire. Mais également que la société soit préservée des méfaits de l’exploitation artisanale, que des orpailleurs soient eux-mêmes sécurisés dans leur activité. « Lorsque l’activité sera mieux encadrée, elle permettra à l’Etat d’améliorer la contribution de cette forme d’activité à travers l’amélioration des quantités déclarées et l’amélioration des recettes au profit de l’Etat ».

« Ce qui est déjà fait est très bien, mais il reste à organiser l’orpaillage pour permettre à l’Etat et aux collectivités locales de profiter de ces ressources minières », estime Dayorma Ouattara, 2e adjoint au maire de la commune de Banfora.

Moussa Diallo
Lefaso.net