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Bazoulé : Koom Lakré ou la fête aux crocodiles sacrés
 
Atypique. Pourrait-on ainsi qualifier la cérémonie organisée le dimanche 28 octobre dernier, et consacrée aux crocodiles sacrés de Bazoulé. Célébrée le dernier dimanche du mois d’octobre de chaque année, Koom Lakré a pour objectif de demander aux ancêtres une dernière pluie pour parfaire les récoltes. Autochtones, originaires du village et touristes ont pris part à la fête

Que de monde à Bazoulé. Localité située à une trentaine de kilomètres à l’Ouest de Ouagadougou, Bazoulé est connu grâce à ses crocodiles sacrés. Située au nord du village, la marre est le point d’attraction de Bazoulé. Plus de 178 crocodiles sacrés y vivent. Chaque année, la population organise une fête en leur honneur. Pour l’occasion, le chef de Bazoulé, Naaba Kiba, en place depuis 32 ans, porte ses vêtements de fête. Son bonnet de chef bien centré sur la tête, il traverse le village sur un cheval accompagné d’une foule immense. Pour cette année, les organisateurs de Koom Lakré, avec à leur tête Pierre Michallard, français d’origine mais qui a passé près de 20 ans au Burkina, ont innové. Le départ du chef, qui a habituellement lieu depuis la cour royale, s’est effectué cette année au musée des Savoirs et des traditions de Bazoulé. Suivi par des badauds, le chef et ses notables ont opéré une escale pour les premiers sacrifices avant de mettre le cap sur la marre aux crocodiles sacrés. Sur les lieux, le sacrificateur égorge les poulets après avoir prononcé des incantations à peine audibles. Les poulets sont ensuite jetés aux crocodiles qui se tennent à quelques mètres de la foule sans manifester des signes de menaces pour les humains. Mais convaincus que « la prudence est mère de sureté », les guides n’ont pas manqué d’inviter les populations à se tenir loin des bordures de la marre. Après ce rituel, les populations s’adonnent à la consommation de l’alcool et la viande du porc. « La vraie fête a commencé maintenant », fait remarquer un des fêtards. Le chef, assis devant son palais, reçoit les visiteurs.

Organisé le dernier dimanche du mois d’octobre de chaque, Koom Lakré est une cérémonie au cours de laquelle il est demandé aux ancêtres de faire tomber une dernière pluie afin que les habitants aient de bonnes récoles. « Très souvent la pluie tombe après le rituel. Une première cérémonie a eu lieu il y a deux semaines, il y a eu effectivement la pluie ce jour-là », nous prévient Pierre Michallard. Mais comme par enchantement, les ancêtres auraient exaucé les vœux des habitants de Bazoulé. De retour de Bazoulé, nous avons retrouvé Ouagadougou sous une fine pluie. « Il pleut aussi à Bazoulé », nous informe quelqu’un par téléphone.

Des crocodiles centenaires


La légende raconte que ces grands reptiles sont tombés du ciel, il y a 570 ans, sous une pluie. C’était sous le règne du Moogho Naba Kouda dont l’un des enfants a fondé le village de Bazoulé. La population à l’époque souffrait de manque d’eau et pouvait parcourir 10 kilomètres pour s’approvisionner. Quand les crocodiles sont apparus, ils ont creusé un grand trou sous des buissons pour faire leur repaire. C’est ainsi que l’endroit s’est transformé en marre qui ne tarit jamais. Confiants que les crocodiles sont dotés de pouvoir surnaturel, les habitants de Bazoulé font des sacrifices à la marre et jettent les poulets aux animaux afin de demander de bonnes récoltes, un bien-être familial ou même la santé.

Plus que de simples animaux, les crocodiles annoncent de l’avis des habitants les évènements malheureux ou heureux à venir. « L’attitude des animaux nous annonce des faits à venir. Si un vieux du village doit mourir, un crocodile se présente souvent dans la concession de celui-ci. Le soir, les crocodiles de la marre peuvent également mugir comme des vaches en battant leurs queues contre l’eau », a expliqué un sage du village.

Si pour les habitants les crocodiles jouent un rôle, à la limite, religieux, la marre de Bazoulé est l’un des sites touristiques les plus visités du Burkina Faso. En famille ou en solitaire, des expatriés occidentaux n’hésitent pas à se faire plaisir en se rendant à Bazoulé. « J’aime venir me promener au bord de la marre et regarder les crocodiles. C’est vraiment intéressant. En plus de cela, je viens de découvrir qu’une fête leur est dédiée chaque année », a indiqué André Brandmeyer, un touriste venu avec ses amis. Pour d’autres, c’est une sortie entre collègues. « Il y a une délégation venue du Japon pour le SIAO (NDLR, Salon international de l’artisanat de Ouagadougou) et je les ai accompagnés ici pour voir les crocodiles », a ajouté Tsutomu Sugiura, ambassadeur du Japon au Burkina que nous avons rencontré sur les lieux.

Jacques Théodore Balima

Lefaso.net